Alexis, 30 ans, a décidé d’en finir.
Souffrant depuis toujours de troubles anxieux de plus en plus invalidants, il se sent inadapté, incapable de maîtriser les crises d’angoisse qui le paralysent, l’empêchent de trouver un boulot stable, de vivre une relation durable avec une femme. Il se pense un poids pour ses parents aimants, pour ses trois amis qui l’accompagnent depuis l’enfance. Il se rend au Creux-du-Van, un cirque rocheux dans le Jura. Le précipice est là, sous ses pieds. Il saute.
La chute fait remonter des souvenirs. Dans une jolie invention narrative, Thierry Didot, dont c’est ici le premier roman, fait s’attarder son héros sur différents épisodes marquants de son existence. Au présent, il raconte certaines dates clés, à rebours, à mesure des mètres qu’il parcourt avant de s’écraser. Les faits sur lesquels il revient ne sont pas des révélations. Il n’y a pas de scoop, pas d’élément déclencheur qui expliquerait son geste désespéré. Simplement le déroulé fugace d’un parcours somme toute banal (les fêtes entres copains, le skate, le punk rock, les premières bêtises, premières amours…) s’il n’était atteint de ces tocs, cette maladie mentale synonyme d’inaptitude au bonheur.
« Ce qui compte c’est pas l’arrivée, c’est la quête », les paroles d’Orelsan offriraient une parfaite résonnance au récit du jeune auteur suisse. Si l’histoire en elle-même et les péripéties successives se lisent sans déplaisir, ce sont bien les questions existentielles exposées par Alexis qui font l’intérêt du roman. Comment devenir adulte ? Pourquoi vivre quand on sait qu’on devra mourir ? Fruit d’une époque désabusée, terriblement angoissante, le narrateur déploie aussi sa dimension universelle, intemporelle au fil des pages et livre un propos d’une belle profondeur.
Marianne Peyronnet