Tammy, 18 ans à peine, fugue.
Quittant une mère qui l’a élevée seule et envers laquelle elle n’éprouve désormais que du ressentiment, elle rejoint son père, Weldon, qu’elle n’a jamais connu, espérant s’inventer un nouvel avenir. La rencontre a bien lieu mais Tammy est trop perdue, trop loin de toute relation constructive envisageable avec cet inconnu. Elle a déjà appris à noyer son trop plein d’émotions dans l’alcool, à « serre(r) les dents sur sa nausée de crainte que son ivresse ne s’en aille ailleurs », à anesthésier ses faiblesses sentimentales dans la meth. Elle s’enfuit une fois encore. Weldon part sur ses traces.
Deux êtres en quête, de l’un de l’autre, d’eux-mêmes, à la recherche de quelque chose d’inaccessible, d’une paix intime et impossible. Tandis que le père court à ses trousses, tente de rattraper les années gâchées dans un passé alcoolique, la fille galope en tête, prête à toutes les expériences, même les pires, pour conserver son avance.
Ils ne risquent pas de se retrouver. Leurs chemins empruntent des voies parallèles, en route chacun vers une chute que l’on devine probable dès le début, de plus en plus inexorable à mesure du récit. Ils croisent si peu de mains tendues dans leur parcours. Les Etats-Unis de Finn sont crasseux, dangereux. Les flics sont corrompus, les hommes d’église sont pervers, les brutes sont partout. L’empathie a déserté les terrains vagues, les stations-service sales, les parkings où les putes à routiers s’entassent. L’Amérique côté pile qu’il décrit s’écroule, s’enfonce, toujours plus profond dans la fange, à l’image de ses deux héros qui coulent, vides, presque déjà morts.
Violence, laideur, solitude à briser le cœur. Prostitution pour l’une, rédemption hors de portée pour l’autre, n’y-t-il aucune lueur au milieu des serpents ? Il reste la douceur d’amitiés féminines, quelques rencontres fugaces, l’idée que quelqu’un quelque part se soucie de votre sort, et une langue sublime, surprenante qui magnifie tout, dans ce décor où « les étoiles (sont) une gerbe de balles tirées dans un mur entre cette nuit et demain. »
Marianne Peyronnet