Sélectionner cinquante morceaux pour dresser la bande son de son adolescence, en voilà une idée qu’elle est bonne.
Il faut dire que la musique a un pouvoir évocateur beaucoup plus puissant qu’une madeleine et que certaines chansons ont le don de vous replonger dans le décor, joli ou moche, de l’époque de leur découverte. Elles nous rappellent instantanément qui nous étions.
C’est l’exercice auquel s’est livrée Sylvia Hansel, pour ce Cannonball incroyablement juste et sincère. On imagine que c’est la réécoute des morceaux choisis qui lui ont permis de retrouver la voix de celle qu’elle était entre 1993 et 2001, cette autre encore un peu elle-même, et tout à fait une autre dont elle peut se moquer et livrer les secrets.
Nous aurions peu de titres en commun, elle et moi. Question de génération, d’influences, de goûts tout simplement. Ça n’a pas d’importance. Entre fans de rock, on se comprend. Et surtout, qu’elle évoque le Velvet ou les Stones, Hole ou dEUS, c’est bien d’elle dont elle parle, de ses chagrins immenses et ses joies communicatives, les mêmes que les miens à son âge. Les peines de cœur et les fous rires irrépressibles, les révoltes et les hontes, les premières fois, elle décrit tout, sans tabou, sans chercher à enjoliver, poussée à la confidence par les artistes posés sur sa platine. La meilleure copine, les engueulades parentales, l’argent de poche qui ne permet pas l’erreur quand on achète un album, l’anglais qu’on déchiffre grâce aux paroles, les magazines de rock, les magasins de disques où les clients font peur, la découverte de nouveaux groupes, du féminisme, du sexisme, des relations hommes/femmes, de la vie qui déçoit, elle se souvient de tout et se livre sans pudeur, avec des mots d’ado, simples et drôles.
Les anecdotes sur les groupes et l’analyse de leurs morceaux, érudites et bienvenues, ne sont que prétextes à raconter les péripéties de sa propre existence. Et on se marre avec elle de son sens de l’orientation déficient, et l’on se révolte de la façon dont les garçons la traitent. On revit des moments disparus sous sa plume réjouissante, et on se prend à faire le tri dans les chansons de notre vie.
Marianne Peyronnet