Chloé, 8 ans, demande à sa sœur Clara, 7 ans, de la laisser dormir dans son lit et ainsi la protéger du loup.

 

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Celui-ci, l’après-midi même, a attiré l’enfant dans sa chambre et s’est caressé avec sa petite main. De cette agression, Chloé mettra des années à se remettre. Et l’auteur montre bien les mécanismes psychologiques à l’œuvre. La culpabilité de la victime d’abord. Pourquoi a-t-elle répondu à l’appel du loup ? La difficulté à se faire entendre ensuite. Aucun adulte n’a rien vu, rien voulu voir. Comment cet homme, brillant violoniste, affable, cultivé, charmant, invité dans la maison familiale pour les vacances, aurait-il pu faire une chose pareille ? Et de quelle chose parle-t-on ? Il ne s’agit pas d’un viol, juste d’une caresse… Chloé se renferme, cache sa féminité sous des vêtements amples, difformes. La si jolie petite fille devient fantôme. Sans l’aide de sa sœur, elle aurait disparu.

Catherine Robert met en mots le récit d’un effondrement. Reprenant la symbolique du conte, elle l’extirpe, la contorsionne pour en extraire la face onirique et plonger le lecteur dans le concret, la réalité sale, dérangeante. Elle apprend à Chloé à se méfier des euphémismes, tel celui du titre, qui minimisent, enjolivent, elle lui apprend à dire. Raconter. Se faire entendre. Puis se faire lire, à travers les cahiers que Clara remplit pour que son aînée se reconstruise, se réapproprie les mots alors que son bourreau l’avait rendue muette.

Rien de nouveau dans cette histoire. Des centaines d’autres semblables ont été, sont, seront vécues qui frapperont les jeunes victimes avec autant d’intensité, auront un effet délétère sur l’ensemble de leur existence. Pourtant, et c’est un début, l’auteur rappelle, insiste. C’est en libérant la parole, en sachant écouter ce que les victimes n’osent pas dire, qu’un début de libération est possible.

Marianne Peyronnet