Caryl Férey se rêvait tueur de braconnier quand il était petit.

 

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La rage éprouvée contre ces hommes vils capables de massacrer des animaux sauvages pour de l’argent, loin de l’avoir quitté, embrase  son dernier roman qui nous emmène au cœur de KaZa, une immense réserve africaine s’étendant sur cinq pays, la Namibie, le Botswana, la Zambie, le Zimbabwe et l’Angola. Sur ce territoire grand comme la Suède, sanctuaire imaginé par Mandela afin de gommer les frontières nationales et les suites des conflits hérités des années 90, les animaux migrent en liberté jusqu’au delta du fleuve Okavango. Dans le meilleur des mondes, ils y vivraient en paix. Ce serait oublier la cupidité, la stupidité de l’espèce humaine. Le braconnage, devenu le troisième trafic mondial, rapportant 20 milliards de dollars par an, y continue. Orchestré par des mafias locales constituées d’anciens soldats, destiné à alimenter un marché asiatique notamment où les bienfaits supposés des cornes de rhinocéros font encore fantasmer, le carnage se poursuit. Ce qui est rare est cher, plus on tue d’animaux sauvages, plus ils sont rares et chers, la défaunation s’accentue donc, malgré les volontés politiques de lutter contre ce fléau.

Caryl Férey n’est plus un petit garçon. Il sait se méfier des raccourcis simplistes et se fie à une solide documentation en plus d’un séjour sur place pour étayer ses histoires. Surtout il a le talent de créer des personnages crédibles pour incarner la complexité des éléments à l’œuvre, il sait faire ressentir à travers les sentiments et les relations entre les héros plutôt qu’assommer le lecteur de données factuelles. Ici l’histoire est portée par Solanah Betwase, ranger, chargée d’enquêter sur la mort d’un braconnier dans la réserve de Wild Bunch, dont John Latham est le propriétaire. Là, animaux en liberté et hommes, du peuple San, cohabitent en bonne intelligence. Mais John, sous ses airs philanthropes, ne cache-t-il pas un terrible passé ?

On s’en doute, de multiples péripéties vont advenir et bouleverser le cours de l’existence des deux protagonistes. Férey ne leur épargne aucun coup bas, aucune désillusion et les précipitent dans les méandres nauséabonds d’une intrigue complexe et sanglante. La lecture est rapide, le style efficace mais l’auteur, comme à son habitude, ne se contente pas de livrer un thriller prenant mais jetable. Il expose les tenants géopolitiques de la région, rappelle les guerres intestines, confronte les vues. Il donne à voir, la nature grandiose et dangereuse, les animaux et leur souffrance, et tout le spectre des émotions humaines, à l’unisson des nôtres à mesure du récit.

Marianne Peyronnet