Tel un journal intime, une confession à la première personne, Peinture fraîche dépeint les pensées secrètes d’Eve, jeune femme qui tente de (re)construire sa vie, de rentrer sans trop de dommages dans l’âge adulte.
A l’image de la scène inaugurale du roman, où le lecteur la surprend sur un quai de gare se demandant si elle va franchir la ligne jaune et sauter sous un train, Eve, en quête de stabilité, ne parvient qu’à tituber, toujours sur un fil sinueux, sans parvenir vraiment à stabiliser sa route. Elle peine à surmonter les dégâts d’une enfance difficile - avec une mère l’ayant abandonnée quand elle avait cinq ans et un père devenu alcoolique et absent - , et d’une adolescence marquée par le destin tragique de sa meilleure amie. Elle s’y emploie pourtant, malgré les défauts inhérents à son caractère. En colocation avec un couple contre quelques heures de ménage hebdomadaire, son manque de loyauté et sa tendance à la kleptomanie la forcent à déménager. Devenue modèle vivant pour une école d’art, elle se retrouve dans une situation scabreuse avec son employeur. Elle se fait licencier de son job de serveuse pour acte de rébellion… Rien ne semble lui réussir et l’on suit ses déboires avec d’autant plus d’intérêt que la narratrice ne dresse pas un portrait complaisant de sa propre personne. Sans la juger plus qu’on ne se jugerait soi-même, on oscille entre agacement devant ses éternels questionnements ou certains de ses actes dénués d’empathie, et une grande tendresse pour une héroïne livrant ses failles avec une telle sincérité. Constitué de passages relatifs au passé d’Eve et la révélation d’un événement primordial de son existence, émaillé de réflexions sur l’art, notamment pictural, le récit touche et réussit, derrière une apparente simplicité, à faire d’Eve un personnage d’une grande complexité, une belle figure littéraire contemporaine.
Marianne Peyronnet