On se doutait bien que le dernier volume de la trilogie de Benjamin Fogel, après La transparence selon Irina et Le silence selon Manon, n’allait pas nous transporter dans un univers réjouissant, apaisé, débarrassé de toute tension.

 

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L’auteur poursuit son exploration d’un futur proche où l’essor de technologies nouvelles a rendu le quotidien angoissant, liberticide pour les uns, sécuritaire, réconfortant pour les autres. L’exploitation des données personnelles, poussée à son paroxysme tout en respectant les lois érigées par la République en place, a permis l’avènement d’une société de la Transparence où règnent la paix, l’amour, la santé… et où la corruption, les trafics, le danger sont éteints.

Dans un tel cadre, fondé sur l’axiome « je n’ai rien à cacher car je ne fais rien de répréhensible », pourquoi ne pas se laisser faire, communiquer sans peur tous les détails de notre existence sur les réseaux à travers cette puce implantée sous notre peau dès notre naissance, puisque c’est pour notre bien, que le capitalisme n’existe plus et que l’idéal commun prime sur l’individu, pour le bonheur de tous ? D’autant que l’anonymat est préservé IRL. Comment se fait-il que des réfractaires continuent à s’affronter, réclamant une transparence absolue d’un côté ou un retour à l’anonymat en ligne de l’autre ? Sûrement parce que Fogel, fin analyste de la psyché humaine et des dérives possibles liées à la technologie se garde bien de concepts trop simplistes. En incarnant son récit et les différentes composantes du peuple par des personnages ciselés, dont certains reviennent dans ce troisième volume, en proie aux doutes, forcés à réagir aux événements qui se précipitent à mesure de l’intrigue, il propose une réflexion plus qu’il n’impose un point de vue. En cela réside toute la mesure de son talent.

Sous le prétexte d’une enquête policière, il retrace les conflits entre des forces antagonistes, les alliances envisagées face à des défis que l’on devine probables demain. En dressant le portrait de protagonistes auxquels le lecteur s’attache, de personnages qui reflètent l’ensemble des forces présentes, en étayant sa vision du futur de trouvailles technologiques glaçantes de réalisme, (et en exposant les tenants d’un récit beaucoup plus complexe qu’un résumé ne le permet), il questionne les notions de résignation, de résistance, de radicalité, d’éthique et ce faisant, avec ce roman éminemment politique, clôt une trilogie essentielle qui interroge le devenir de l’humanité.

Marianne Peyronnet