Oreste, Bigorne et José sont Galiciens. Dans cette partie du monde, en 1853, il n’y a rien à espérer de l’existence.

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Les terres arides peinent à nourrir la population locale et le travail manque. Quand on n’a aucune éducation, aucune promesse d’avenir, reste l’exil au bout du chemin. Au bout de la mer. Il paraît qu’à Cuba, ils embauchent. Là-bas, la vie est facile et on peut faire fortune. Les trois compagnons embarquent pour trois mois sur un bateau affrété par un exploitant de canne à sucre, excités, terrifiés. Bibiana Candia retrace leur épopée, à partir d’archives qu’elle a étudiées. La véracité des faits relatés donne au récit une véritable profondeur, tandis que l’auteure s’emploie à retranscrire au plus juste ce qu’ont pu être les conditions de traversée, les pensées des protagonistes, leur arrivée sur cet ailleurs lointain tellement différent de ce qu’ils ont toujours connu. Et leurs espoirs déçus.

Subjugués par cette nature luxuriante, ces couleurs nouvelles, ces Noirs qu’ils découvrent après des semaines de navigation dans une cale nauséabonde, tapissée d’excréments et de résidus de mal de mer, ils pensent au départ avoir trouvé leur paradis. Par leurs mots, simples, inadéquats à décrire une banane, on comprend tout l’émerveillement qui devait saisir les arrivants de l’époque accostant sur des terres inexplorées. On n’a rien expliqué aux trois jeunes de leur futur environnement. On a fait naître des chimères dans leurs esprits crédules. Rien ne s’avère tel qu’ils l’avaient rêvé. Surtout pas le travail, pour lesquels ils remplacent les anciens esclaves, désormais libres devenus contremaîtres au service des Blancs, des montés en grade sans pitié aucune pour ces travailleurs corvéables à merci. Les trois Galiciens, ainsi que de nombreux autres dans leur sillage, feront la douloureuse expérience de l’exploitation de l’homme par l’homme, sans retour possible. Remarquable de précision concernant les anecdotes prosaïques et leur remise en perspective dans la grande Histoire de l’Europe du XIXème, on apprend beaucoup à la lecture de ce court roman, dense et terriblement désespérant.

Marianne Peyronnet