On célèbre cette année le centenaire de la naissance de Marcelle Delpastre, poéte et mémorialiste limousine de langue occitane qui, sa vie durant, tout en travaillant à sa ferme de Germont, produisit une œuvre unique.

 

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Cette année les éditions de la Geste publient le Bestiaire limousin, qui n’était disponible jusqu’ici qu’en occitan, dans la superbe édition du Chamin de sent Jaume. Ici, et Marcelle Delpastre nous en prévient dès le début du livre, il ne s’agit pas de faire œuvre encyclopédique, mais de relater par le menu, tant qu’il en est encore temps, la manière dont, il n’y a pas si longtemps, on percevait le monde animal, comment nous vivions à côté et avec lui.

Dans son œuvre ethnographique, Marcelle Delpastre parle de la fin de la civilisation paysanne, et c’est bien cela qui ressort à la lecture, par petites touches. Au fil des paragraphes apparaît un monde clos, nécessairement imbriqué, interdépendant, où la survie de tous est étroitement liée à l’exploitation des ressources que la terre prodigue chichement. On est frappé au fil du récit par le travail incessant que nécessite la production et la recherche de suffisamment de nourriture pour faire vivre la famille, de la difficulté de préserver cette nourriture et d’assurer un peu de réserve et, finalement, frappé que dans ce monde-là, animaux, végétaux, prairies et forêts, tant de choses soient des ressources utilisables et transformables pour assurer cette fragile pérennité que tant d’imprévus menacent.

Des ressources que nous redécouvrons aujourd’hui, parce qu’elles s’épuisent et que nous avons oublié depuis bien longtemps cet équilibre essentiel qui régissait le monde paysan. Pour les animaux eux-mêmes, et pas seulement ceux d’élevage, dont nous sommes aussi les commensaux, nous étions tout autant pourvoyeurs de ressources, et toute la culture de cette civilisation paysanne naissait de cet échange permanent entre le monde végétal, le monde animal et nous, qui tentions d’oublier notre animalité. Et c’est ce dont le monde de Delpastre se souvient encore, que les animaux ont une âme, et un pouvoir sur nous que nous ne comprenons pas toujours, comme une étrange ascendance.

Lionel Bussière