Ses deux premiers romans publiés au Diable Vauvert, réunis sous le titre évocateur de Métaphysique de la viande, nous avaient laissés sidérés.
Crevés. Sans aucune distance, Nuit noire nous plongeait dans la psyché d’un tueur à mesure de ses exactions ponctuées de rituels macabres. Tortures, viols de cadavre, corps en putréfaction le conduisaient à l’extase, et nous au bord de la nausée, tandis que dans Paranoïa, hommage assumé à Lovecraft, le mélange de roman noir, de SF complotiste et de récit fantastique rendait tangible la maladie mentale. Vous l’aurez compris, Christophe Siébert n’est pas là pour vous chanter une berceuse, et s’il change de décor avec Images de la fin du monde : Chroniques de Mertvecgorod, il persiste à explorer les tréfonds de la nature humaine. Il nous entraîne cette fois à Mertvecgorod, capitale d’un Etat fictif d’Europe de l’est, mégapole de sept millions d’habitants, post-soviétique et pré-apocalyptique. On y croise un gourou d’extrême droite sanguinaire et lubrique, un vieillard paralysé qui fonde un zoo humain, des camgirls défoncées, de jeunes activistes, des ados fugueurs, toute une galerie de personnages qui n’ont de point commun que de (sur)vivre dans la même ville. La géographie de la cité, coupée en deux par la zona, décharge à ciel ouvert puante, définit leur place dans l’échelle sociale et leur durée de vie. La pollution, les cancers, les drones flingueurs déciment les habitants des bas quartiers, quand ils ne sont pas tués des pires façons possibles. Le voyage est éprouvant, dérangeant et sublime. Adeptes des feel good books, n’entrez pas à Mertvecgorod.
Marianne Peyronnet