L’anthropocène fait rage et notre malheureuse planète a du mal à suivre.

 

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Au moment où l’on en extrait les dernières gouttes de pétrole et où l’on met sous dôme les derniers représentants des principales espèces animales, des chercheurs de l’Agence spatiale européenne découvrent une exoplanète abritant potentiellement une forme de vie intelligente. Emoi général : faut-il tenter d’entrer en communication avec une espèce probablement colonisatrice, d’ailleurs peut-être éteinte depuis longtemps ? Faut-il au contraire s’en protéger en cessant totalement d’émettre la moindre onde radio ? Les uns y voient un espoir de renouer avec les mystérieux Céphéens, dont ils prétendent capter les messages, d’autres une ultime diversion destinée à faire oublier l’inéluctable effondrement…

Né en 1984, Robin Cousin fait partie de cette génération montante d’auteurs de bande dessinée qui, sans avoir connu la révolution « indépendante » des années 90, en cueille aujourd’hui les fruits les plus délectables : une lisibilité parfaite, loin de toute potacherie underground comme de toute posture artiste, une manière délibérément synthétique, à l’opposé de toute vaine virtuosité « réaliste » et tout entière au service du récit.

Un récit passionnant, tant Robin Cousin a l’art de mêler la science à sa fiction et de démêler l’air du temps. On le savait depuis Le profil de Jean Melville (Flblb, 2017), réflexion sur les enjeux humains des nouvelles technologies, on le saura d’autant mieux avec ces Milliard de miroirs, où les données de la science la plus immédiate (bouleversements climatiques, anéantissement de la biodiversité, recherche spatiale…) concourent à rendre infiniment plausible une histoire dépouillée de tous les oripeaux habituels du roman d’aventure. L’aventure, ici, est existentielle et se résume en une unique question : vaut-il encore la peine de faire des gosses quand le pire paraît d’ores et déjà certain et que s’éteignent une à une les raisons d’espérer ? On le sait depuis les Chroniques martiennes, la meilleure science-fiction s’abreuve à la mélancolie : Robin Cousin nous le rappelle à sa façon, avec maturité, sans esbroufe.

Yann Fastier