Amsterdam, 1938. Alors que la guerre menace chaque jour davantage, deux jeunes femmes louent un appartement en commun.

 

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Elles ne sauraient être plus différentes : à l’opposé de Béa, sérieuse et posée, la garçonnière Erica se montre fantasque, instable, imprévisible et définitivement attachante. Tellement que Béa ne sait plus s’en passer, malgré sa propre liaison avec Bas qui, lassé, finira par la quitter. Comment nommer, dès lors, le sentiment qui les unit, quand l’une et l’autre s’emploient à nier l’évidence, au risque de se perdre ? Empêtrée dans une relation toxique avec sa mère, Erica, juive par son père, y perdra la vie tandis que Béa, désormais seule, refera la sienne en Amérique.

Le 7e continent, celui des littératures non traduites, offre encore de belles surprises à l’explorateur en chambre. Paru en 1954 et jamais traduit en français, ce roman fit pourtant sensation aux Pays-Bas et aux États-Unis où il fait encore figure de classique à l’heure où les littératures LGBTQIA+ si affinités prennent une revanche bien méritée sur les plus sévèrement burnés de nos zobs de lettres. Racontés du point de vue de Béa, sans jugement, avec une délicatesse où affleure par moment l’autobiographie, ces désirs-là ne s’aventurent cependant pas beaucoup plus loin que l’horizon masochiste qui bornait déjà la presque totalité des littératures lesbiennes depuis Le Puits de solitude de Radclyffe Hall : à savoir que l’amour de deux femmes ne saurait être heureux, qu’il débouchera forcément sur le remords et la plus desséchante solitude. C’est un peu triste à dire mais les Nazis viennent mettre bon ordre à leur manière au dérèglement de sa vie entière que pressent une Béa dévastée mais, au fond, soulagée. Combien plus crâne et assumé apparaît alors le pionnier Qui qu’en grogne de Nicole Louvier, paru, lui, en 1953, dont personne ne parle plus et qu’il faudra bien finir un jour par rééditer.

Yann Fastier