De retour à Taïwan pour les obsèques de sa grand-mère, Tchi, une jeune femme expatriée aux États-Unis, se souvient de son enfance
dans ce quartier populaire de la capitale où elle revient pour la première fois depuis longtemps. En instance de divorce, alors qu’elle attend un enfant de son mari Américain et que ses parents se font vieux, elle est à l’heure des choix...
Sélectionné au festival d’Annecy en 2018, primé un peu partout, ce long-métrage d’animation est une belle surprise dans un domaine où les studios japonais mènent habituellement la danse avec le talent que l’on sait. Sensible, émouvant (on y pleure beaucoup, contrairement à ce que le titre pourrait laisser croire), c’est aussi, en filigrane, une traversée de l’histoire récente d’un pays mal connu de ce côté du monde. De l’interdiction de parler taïwanais à l’école – fruit de l’installation de milliers de continentaux fuyant la Chine communiste après la défaite de Tchang Kaï-chek en 1949 – en passant par les enfants blonds généreusement laissées sur place par les militaires américains, de la dictature à la démocratie jusqu’au séisme de 2016, la réalisatrice procède par petites touches, sans lourdeur et sans jamais s’éloigner du fil intimiste de son histoire. Traversée de flash-backs, elle commence et se termine de la même manière : « C’est quoi le bonheur ? » se demande un enfant. Certains connaissent la réponse pour avoir pas mal souffert : « le bonheur, c’est d’avoir le ventre plein » répond la grand-mère, pétulante et protectrice. D’autres, comme Tchi, n’auront jamais la réponse et devront se contenter de l’instant présent quand tout ce qu’on croyait éternel s’avère soudain éphémère et fragile. Véritablement « tout public » par sa capacité à fédérer les âges, ce film intelligent sait ménager avec finesse la part de douceur et d’amertume de ce qu’en d’autres termes et sous toutes les latitudes on a communément l’habitude d’appeler : la vie.
Yann Fastier
Pour aller plus loin :
Formose, de Li Chin Lin. – Çà & là, 2011
Dans un registre assez proche du précédent, l’autrice, née en 1973 à Taïwan, raconte l’histoire de sa famille sur fond de grande Histoire.
Made in Taiwan, de Golo. – Editions du pigeonnier, 2001
Un reportage dessiné dans les rue de Taipei, par l’un des rares vrais auteurs voyageurs de la bande dessinée.