En octobre 1967, Masha Kucinzki, immigrée polonaise de 15 ans est retrouvée poignardée de 32 coups de couteau dans le sous-sol de son lycée.

 

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Elle a été frappée, violée. Deux heures plus tard, un ado noir, Emmett Turner, est arrêté. Masha était la « petite amie secrète » du narrateur, Stewart, « l’amour de sa vie ». Il décide, des années plus tard, de tout révéler des circonstances du drame.

Le lecteur accorde d’emblée sa confiance à Stewart. Son but semble louable, sa confession sincère. Pourquoi, quand rien ne l’y oblige, irait-il pervertir la vérité des faits ? Rapidement le doute s’installe. Il se livre sans jamais se donner le beau rôle, raconte des anecdotes de son adolescence dont il n’est pas fier, révèle des traits de son caractère peu sympathique. Influençable, très seul, peureux, menteur, capable de faire croire à une agression par des noirs pour passer pour un héros… Alors quoi croire ? Va-t-il vraiment tout dire ou livrer une version déformée du drame ? Est-ce un pervers, un manipulateur ? Cherche-t-il à laver sa conscience ?

Krawiec sème le trouble. La profondeur psychologique de ses personnages est une leçon. Personne n’a raison. Chacun réagit en fonction de ce que la société attend de lui. Et quelle société… Son Amérique des années 60 n’a rien de peace and love. Tensions sociales, émeutes raciales, lynchages, haine du plus faible qu’il soit immigrant, noir ou femme. Les adultes sont de piètres modèles. Ils parlent avec leurs poings, leurs couteaux, leurs fusils.

Demander à des adolescents d’être de belles personnes ? Quand autour d’eux tout n’est que chaos, mesquinerie, violence ? Stewart raconte cet âge où la pression de la meute est si forte qu’elle écrase toute velléité de réflexion. Il craint la solitude par-dessus tout, se sent minable, se voudrait populaire. Il cède aux injonctions sociétales, craint le jugement du groupe, fait les pires choix par lâcheté, respect des convenances, quitte à trahir ceux qui pourraient l’aimer seulement parce qu’ils ne sont pas de son clan.

Etre un paria. La pire des choses. Une malédiction à éviter. Les moyens importent peu. La vérité est accessoire.

Marianne Peyronnet