Bien sûr, il y a Dumas et ses Trois mousquetaires, Paul Féval et Largardère, Michel Zevaco et les Pardaillan, Gautier et son Capitaine Fracasse…

 

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mais qui se souvient d’Amédée Achard et de son bouillant Armand-Louis de La Guerche ? Il fut pourtant l’un des premiers et des principaux inventeurs du roman « de cape et d’épée », dont il contribua à définir le canon immuable : un héros, bretteur hors pair, souvent d’origine obscure mais franc comme l’or et promis aux plus hautes destinées malgré d’innombrables embûches ; sa bien-aimée, forcément chaste et pure et d’autant plus méritante qu’elle fait l’objet des convoitises d’une kyrielle de félons ; des félons, justement, traîtres jusqu’au bout de leurs ongles manucurés et qui, n’en doutons pas, finiront mal ; des comparses hauts en couleurs, compagnons loyaux ou valets débrouillards qui font souvent tout le sel de l’aventure ; le tout dans un XVIIe siècle de fantaisie, époque bénie où l’on pouvait encore s’entretuer entre gentilshommes sans encourir les rigueurs de la loi. Et tout cela croise le fer, galope et cavalcade, crevant cheval sur cheval de mission secrète en action d’éclat sans jamais cesser d’être attentif à l’état de ses dentelles. Suspense, action et rebondissements : le roman paraît dans la presse, il s’agit de ne pas perdre un lecteur et personne mieux qu’Amédée Achard ne saura relancer de peaux de banane sous le pied du héros quand il pourrait enfin prétendre au repos. Nul autre, surtout, ne saura mieux railler, ne saura mieux manier ces dialogues à fleurets démouchetés qui font autant le mousquetaire que la plus retorse botte secrète : « Soit ! Et si je te tue, comme j’en ai l’espoir, je ferai dire vingt messes pour le repos de ton âme… Il n’en faudra pas moins pour te tirer de la chaudière ! »  ou bien « Ecoutez donc, monsieur, (…) quand on passe du rapt au meurtre avec une si surprenante facilité, il faut bien s’attendre à quelque désagrément. Tout n’est pas bénéfice dans le métier. » A ce jeu, davantage qu’à l’escrime, Amédée Achard était passé maître : nulle poussive technicité dans ses descriptions de combat, ses passes d’armes sont avant tout littéraires, c’est d’abord une affaire de mots. Les mots, il n’en est pas avare et, s’il n’a pas le brio descriptif d’un Théophile Gautier, il ne s’en montre pas moins fine lame quand il s’agit de trousser un dialogue au débotté ou de croquer un personnage en quelques traits. Le public ne s’y trompa pas, qui vit en lui l’un des grands rivaux de Dumas. Faute d’avoir aussi bien su faire sa réclame, Achard est aujourd’hui bien oublié. « Il est trop gentil, cela lui coûtera son œuvre » disait Dumas lui-même, clairvoyant. C’est donc chose faite. Reste quelques titres, trop rares, confinés au fin fond des bibliothèques. Celles, du moins, où il est encore possible, entre deux escape games et en tendant bien l’oreille, d’entendre ici ou là quelque lointain piaffement de chevaux, le bruit assourdi des épées que l’on croise, quelque discret « morbleu… »

Yann Fastier