Deuxième roman de Manchette paru à la Série noire en 71, ce texte court et nerveux est réédité par la collection en hommage à l’inventeur du néo-polar mort il y a vingt-cinq ans.

 

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Henri Butron se fait dessouder dès les premières scènes. Plusieurs balles trouent la peau d’un homme que personne ne va regretter. Mais qui était-il ? Et surtout comment s’était-il retrouvé mêlé à la disparition de N’Gustro, leader tiers-mondiste du Zimbabwin, enlevé et exécuté à Paris parce qu’il prenait de l’ampleur politique et devenait gênant ?

C’est par le biais d’un enregistrement que l’histoire se dessine, celui de Butron racontant sa vie et son implication dans l’affaire. La cassette est soigneusement écoutée par le maréchal Georges-Clémenceau Oufiri et le colonel Jumbo, tous deux compatriotes de N’Gustro. Un moyen comme une autre de patienter dans l’attente du « suicide » de Butron par les services de renseignements français.

Butron, par cette confession d’outre-tombe, est donc présent tout au long du récit. C’est par ses propres mots que son portrait se dresse. Manchette s’en donne à cœur joie. Butron se donne tous les beaux rôles, tandis que le lecteur comprend quel petit joueur c’était. Fils d’un médecin de Rouen, raciste, misogyne, acoquiné un temps aux milieux d’extrême droite, puis à la vulgaire pègre, il en rajoute et on fait le tri. Il a participé à la Guerre d’Algérie sans combattre, puis fait de la taule pour des actes sans gloire alors qu’il se dépeint blessé lors d’une offensive puis auteur d’attentats. Franchement détestable, il a néanmoins pour lui la faconde et les jugements définitifs des esprits limités. Ses tournures de phrase, ses idées abruptes font rire sous cape, le plus souvent de lui. On aime le détester. Faut dire qu’il ne fait pas tache dans le paysage, agrémenté d’une belle brochette de salopards, dont Oufiri, futur dictateur et Jumbo, cruel homme de main, font partie.

Pas un pour rattraper l’autre, comme dans la vie. En s’appropriant les grandes lignes de l’affaire Ben Barka, opposant marocain à Hassan II, enlevé et disparu à Paris dans des circonstances jamais complètement élucidées, Manchette ne fait que nous le rappeler.

Marianne Peyronnet