Cela fait maintenant une vingtaine d’années que la photographe Rinko Kawauchi promène sur la peau du monde l’œil rêveur de son 6x6.

 

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Attentive à la matérialité des choses, elle les saisit toujours au plus près, même les plus lointaines en apparence, paysages ou simples effets d’atmosphère, avec toute la singularité des premières fois. Sous son regard, ce que l’on croyait bien connaître – l’œil d’un cheval, une fleur de jasmin – acquiert une actualité, une présence poétique qui le rend à la fois unique et universel. Composant sans cesse avec la joliesse, sa photographie sait pourtant aussi bien accueillir le trivial en sa simplicité : une guêpe morte, un seau de poisson sont photographiés avec les mêmes égards que tout autre sujet réputé plus noble, fleurs ou paysages. C’est que Rinko Kawauchi porte au plus haut l’art de la transfiguration, une façon de magnifier le sujet qui le change en icône – au sens propre : une image investie, traversée par la grâce qu’elle aura su capter. A cet égard, on pourrait presque toujours dire qu’elle donne des photos plutôt qu’elle les prend.

C’est encore vrai de ce dernier recueil, le plus épuré peut-être parmi la dizaine qu’elle a déjà publiée, au Japon ou en Occident. Avec Halo, la présence humaine se fait plus rare encore, au profit de la seule lumière. Mais qui dit lumière dit aussi ombre. Pour la première fois, les pages de ce livre seront noires, sur lesquelles scintillent des taches de lumière, tels des feux lointains dans la nuit. Elles ne sont pas toujours identifiables et seul le court texte final permet de savoir que telle brillante galaxie n’est autre qu’un pare-brise constellé de déjections d’étourneaux, que telle pyrotechnie n’est que de la limaille de fer en feu projetée par des forgerons lors d’une fête locale chinoise, que tel rivage illuminé par les flashs est une plage où l’on guette l’arrivée des dieux qui s’y rassemblent…

Hommage paisible à la lumière, à ses vibrantes constellations, Halo est un poème, une œuvre de contemplation où l’or et la nuit se succèdent plutôt qu’ils ne se heurtent, en une lente et confiante respiration.

Yann Fastier