Comment le banquier Favraux a-t-il acquis sa fabuleuse fortune ?

 

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Qui est vraiment cette Marie Verdier, qu’il s’apprête à épouser en secondes noces ? Pourquoi ce mystérieux vagabond lui voue-t-il une haine si farouche ? Et surtout, qui est Judex, l’impitoyable justicier dont la vindicte le poursuit jusque dans la tombe ? Pour le savoir, jetez-vous sans attendre sur ce feuilleton palpitant qui fit les beaux jours du Petit Parisien entre janvier et avril 1917, loin des tranchées, des mutineries et des fusillés pour l’exemple d’une guerre qui n’en finissait pas de s’enliser. Il fallait bien se distraire. Pour cela tous les moyens sont bons : la presse, bien sûr, mais aussi le cinéma. Selon le concept révolutionnaire du ciné-roman, la cape noire du justicier se déploie sur les écrans de la Gaumont au moment même où l’on peut lire ses aventures dans le journal. Tournés par Louis Feuillade à la suite de Fantômas et des Vampires, les 12 épisodes de Judex deviendront très vite un classique du cinéma muet, tandis que le roman d’Arthur Bernède sombrera dans l’oubli. Ils étaient pourtant complémentaires, l’un n’étant en aucun cas une adaptation de l’autre mais les deux formant un tout, selon une formule dont on peine aujourd’hui à mesurer le succès populaire. Ciné-romans et serials envahissent les salles obscures, leurs scénaristes – tel Arthur Bernède – sont avant tout des écrivains, tous feuilletonistes chevronnés habiles à tenir le public en haleine, en appuyant sur les ressorts les mieux éprouvés : vengeurs implacables, jeunes filles méritantes, seconds rôles cocasses, gavroches au cœur d’or… Arthur Bernède connaît son métier, lui qui sera le père du fameux Belphégor, quelques années plus tard… Et s’il est maintenant un presque inconnu, souvenons-nous qu’on lui doit peut-être Batman, via The Shadow, personnage de vengeur masqué directement démarqué de Judex, dont le succès fut considérable aux USA.

Peut-être jugera-t-on tout cela très naïf. Peut-être l’aimera-t-on d’autant mieux, justement pour cette fraîcheur venue d’un temps où cynisme et second degré n’avaient pas encore droit de cité dans nos divertissements, où l’on frémissait pour de bon à ce qui nous fait parfois sourire. Et si cette réédition en trois volumes pèche par certains aspects, graphiques notamment, elle n’en fait pas moins l’effet, par temps de canicule, d’un bon coup de brumisateur.

Yann Fastier