S’expatrier, ce n’est pas seulement découvrir une autre culture : c’est aussi renoncer à la sienne, et peut-être bien pour toujours.

 

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Tel est en tout cas le propos de ces deux bandes dessinées réalisées en parallèle par deux jeunes auteurs issus de l’Ecole de l’image d’Angoulême. Yunbo est coréenne, Samir Dahmani est français. Tous deux ont une expérience similaire : Yunbo pour être venue étudier en France et Samir en Corée, pour suivre Yunbo. La première adopte une démarche autofictionnelle pour dire le décalage profond que l’on ressent à débarquer pour la première fois dans un pays si différent du sien et l’effort d’adaptation que cela exige pour enfin posséder les codes nécessaires à la sociabilité la plus basique. Pour mieux signifier cette différence, elle choisit, de manière aussi incongrue qu’efficace, de se représenter avec une tête de chien, qu’elle reste heureusement seule à voir parmi des Français dont l’empathie n’est pas toujours au rendez-vous. On a un peu honte pour la France, comme toujours à la lecture de ce genre d’ouvrage, même si la brave Yunbo est loin, bien loin d’accabler les Français (les Anglais s’en chargeant déjà très bien tout seuls, merci).

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Samir Dahmani choisit quant à lui la distanciation en axant son récit sur la difficulté à se réadapter à ses propres codes après avoir vécu longtemps à l’étranger. Ici, une jeune coréenne sert pendant quelques jours de truchement à un Français venu en Corée pour affaires. Si brève soit-elle, cette expérience lui rappelle combien elle n’a cessé de se sentir étrangère dans son propre pays depuis son retour, y compris dans le regard de ses compatriotes pour qui elle est désormais « la Française », « la Parisienne », incapable de faire complètement comme les autres dans un pays où le conformisme familial et social reste très pesant.

Parus chez des éditeurs différents, les deux livres peuvent se lire séparément. Ils s’enrichissent néanmoins l’un l’autre d’une lecture conjointe, qui apporte une sensibilité et profondeur supplémentaires à un projet dont la perspective, quoi qu’il en soit, va bien au-delà de la simple anecdote.

Yann Fastier