Hart déambule dans la nuit glaciale de Philadelphie.

 

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Il est seul, sans le sou. Pas de quoi se payer un repas, pas de quoi s’acheter un manteau. Impossible de demander l’aide de quiconque. Il a commis le pire des crimes. Il est en cavale. La police à ses trousses ne sera pas tendre si elle le chope. S’il ne fait rien, il va crever de froid. Pas d’autre choix que de voler ce pardessus vert pomme sous le nez de ce vendeur condescendant et de se tirer à toutes jambes. Fuir. Pour aller où ? Germantown. Quartier tranquille. Les flics y sont moins présents qu’ailleurs. Des coups de feu. Un homme s’affale sur l’asphalte gelé, au beau milieu de la chaussée. Hart ne devrait pas s’en mêler. Il s’approche tout de même. Mortellement touché, le blessé a juste le temps de lui refiler un portefeuille rempli d’une somme rondelette avant de succomber. Pas d’autre choix que de le prendre. Puis de le rendre. A la bande de malfrats qui ne tarde pas à le retrouver et le séquestre pour de plus amples explications.

Haaa… (Re)lire David Goodis… Black Friday, paru aux USA en 1954, et pour la première fois en France, à la Série Noire en 55, valait bien une réédition dans une traduction révisée.

Le lecteur est happé dès les premières lignes, d’emblée projeté dans la tête de Hart, qui réagit plus qu’il n’agit face à un environnement hostile. Economie de mots. On le sait pourchassé, affamé, frigorifié. Pas acculé cependant au point de dépouiller plus misérable que lui-même. Aurait-il une conscience ? Quel méfait a-t-il commis ?

Hart s’adapte, sa survie en dépend. Il s’adapte aux circonstances parce qu’il ne peut faire autrement. Il manœuvre. Ses marges sont étroites. Obligé de se faire passer pour le plus impitoyable des criminels, il gagne la confiance des petites frappes qui l’ont recueilli. Il aura la vie sauve s’il est sanguinaire. S’il participe avec eux au casse qu’ils fomentent. S’il remplace Charley dans le lit de la grosse Frieda, et Dieu sait qu’elle ne lui fait pas envie, contrairement à Myrna, frêle beauté diaphane.

En dire plus dévoilerait inutilement une intrigue qui, si elle tient la route, n’est pas l’essentiel, comme toujours dans les romans de Goodis. Dans le roman noir, l’enjeu n’est pas là, mais dans les personnages. Hanté par un passé douloureux, aux conséquences inextricables, dans une Amérique qui ne tend pas la main aux plus faibles, Hart est emblématique des héros de Goodis. Il se débat, sans illusion. Son avenir est plombé par une fatalité dont il cherche à s’extraire mais sur laquelle il n’a aucune prise. La pente est savonneuse, la descente aux enfers inévitable.

Marianne Peyronnet