Yves et Bernadette sillonnent les routes de campagne dans leur combi Volkswagen le temps des vacances d’été.

 

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Des semaines qu’ils attendent, comme chaque année, de quitter leur emploi au supermarché, pour pouvoir s’adonner à leur passion commune, la traque d’auto-stoppeuses et leur mise à mort. Dans une forêt profonde où s’est perdue la jeune Anna, cette dernière perturbe leur rituel. Elle parvient à s’enfuir. Le couple se lance à sa poursuite. Les bois deviennent inextricables. Ils ne sont pas déserts. Chloé recueille Anna tandis que les tueurs trouvent refuge dans une communauté dirigée par Admète et Hermione, duo de vieillards énigmatiques.

Bois aux renards engloutit tous les personnages. Tels les renards qu’elle couve, la forêt, lieu symbolique s’il en est, apparaît tour à tour protectrice ou hostile. La nature prend le pas sur le monde dit civilisé. Les coutumes anciennes y retrouvent leur place, ainsi que les rituels d’une ère sauvage où la mort fait partie du décor. Antoine Chainas déchaîne des forces ancestrales. L’étrange domine. Dans ce conte horrifique, cette histoire labyrinthique, le lecteur, porté par les événements que subissent les différents protagonistes, suit le courant. La structure complexe, faite d’allers et retours, de rêves et de réveils, de souvenirs et d’hallucinations, emprunte les méandres des sentiers tortueux sans jamais nous perdre, impatients autant qu’anxieux de découvrir ce qui nous attend aux détours des chemins. Les révélations que l’on y dépiste nous cueillent, bouleversantes de beauté ou de férocité, dérangeantes toujours. Chainas écoute. Les sons de la nature. La respiration des êtres qu’il a créés. Au plus près des corps. Il n’y a pas de silence dans Bois aux renards. Il y a des souffles, des gémissements infimes, des cris. Certaines scènes, dont on imagine qu’elles ne seront pas les mêmes pour chacun d’entre nous, surgissent, pleines de douleurs, de regrets, de monstruosité. Les légendes s’incarnent, les mythes se dévoilent mais jamais tout à fait. Plus encore que dans d’autres de ses romans, les pistes se superposent, les clés de lecture se multiplient et l’auteur nous laisse le choix de suivre tel ou tel élément de l’énigme. La langue demeure sublime. Les phrases s’entortillent telles des herbes folles, des sangles à nos cous. La syntaxe, d’un classicisme déroutant, donne au récit une puissance oubliée. Le vocabulaire, d’une précision chirurgicale, éblouit. Des mots, dont on devine le sens plus qu’on en connaît la définition décuplent l’omniprésence d’un sentiment d’étrangeté.

Illusions, onirisme. Souffrances que l’on ressent à force de réalisme. Beauté des arbres, des animaux. Tout se mêle, fait écho. A nos doutes et à nos effrois. A notre propre mortalité. Dans cette œuvre majeure englobant tous les thèmes. Qu’on sait qu’on relira. Quand on en aura digéré, une première fois, la vicieuse splendeur.

Marianne Peyronnet