Tout juste affecté à son nouveau poste de CPE au collège de Planoise, quartier sensible de Besançon, Thibault, trentenaire célibataire gentiment de gauche, emménage dans une des tours à quelques encablures de son boulot.

 

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Il se rend vite compte que l’appartement en face du sien est un point de deal, un four, tenu par des Albanais peu commodes. Pour passer le porche de son immeuble, il lui faut montrer patte blanche, papiers à l’appui comme preuves de son droit à pénétrer la résidence, ce qui ne l’exempt pas de prendre quelques baffes au passage. Une nuit, une fusillade sur son palier le réveille, les malfrats se font dessouder par une bande rivale. Rendu sur les lieux avant l’arrivée des flics, il découvre l’ingénieux système permettant d’accéder au stock de shit. Le voilà assis sur un gros paquet de came, et de fric.

En faisant endosser à Thibault le rôle du naïf qui se déniaise à mesure qu’il appréhende un environnement jusqu’alors inconnu, Jacky Schwartzmann fait mouche. L’habile stratagème lui permet de faire avancer son récit, au rythme des péripéties rencontrées par son personnage, et de faire comprendre au lecteur les ressorts de toute une économie souterraine, sans rentrer dans des explications lourdingues de pédagogue assermenté. Le salaire du petit fonctionnaire ne fait pas le poids par rapport aux millions que rapporte le trafic qu’il met rapidement en place, et qu’il entreprend de redistribuer aux habitants, nombreux, qui ont besoin d’un coup de pouce. Evidemment, le business comporte des risques, que l’auteur souligne d’un trait de plume réjouissant. Petites frappes, gros méchants sont dépeints à travers le regard d’un Thibault acerbe, tandis qu’une galerie de personnages attendrissants, élèves à l’humour ravageur, travailleurs et chômeurs d’une zone délaissée par l’Etat, mères de famille solidaires, trouve grâce à ses yeux. Dans Shit !, rien n’est manichéen et la distance que concède la satire bienveillante fonctionne. On cavale derrière notre héros malgré lui, à un rythme soutenu, en évitant les balles perdues et les pièges tendus par la flicaille. Notre cœur penche pour ce dealeur qui n’a pas que de l’herbe à revendre, mais aussi une énergie créative et une bonté sans limite.

Marianne Peyronnet