Joe Clarke est cordiste. On fait appel à lui pour les travaux les plus difficiles d’accès.

 

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Perché à des hauteurs vertigineuses, équipé de ses cordes et de son harnais, il répare les failles dans les cheminées, les tours, les toitures. Il n’a jamais eu le vertige mais il sait les dangers de son métier. Une seconde d’inattention peut vous projeter dans le vide. Il faut rester concentré malgré le vent, la pluie et tous les tracas de la vie quotidienne qui peuvent déstabiliser. Joe choisit ses coéquipiers. Il les faut sages, heureux en ménages, ainsi qu’il l’est lui-même, toujours amoureux de sa Barbara et fier papa de leur petit Kevin, 8 ans. Lorsqu’on lui propose de travailler sur l’une des deux tours de la cathédrale de Muncaster, c’est une forme de consécration. Mais dès le premier jour, des phénomènes étranges surviennent. Une gargouille en particulier, terrifiante, semble le suivre des yeux et lui vouloir du mal…

Court roman publié en 1991, Muncaster pourrait passer d’emblée pour un classique de la littérature horrifique tant son auteur a su y intégrer tous les codes du genre et livrer un récit où la tension ne fait que croitre, soulignée par des trouvailles qui font dresser les poils. On retrouve nombre de détails propres à ce type d’histoires ; le personnage cartésien (ici athée, ce qui renforce plus encore la dissension entre le réel et les faits bizarres auxquels il se trouve confronté) obligé de reconnaître l’existence de forces maléfiques ; les éléments tels déluges ou bourrasques, inexplicables ; l’homme d’église qui fait des recherches et l’aide à résoudre les mystères ; les morts qui paraissent accidentelles et l’enquête policière qui se met en place… Robert Westall distille les événements habituels dans ce type d’œuvre, à tel point qu’on se croirait dans un bon vieux film d’horreur des 70’s, avec musique bien flippante et incidents successifs qui collent les miquettes, comme dans Amityville, La malédiction,  ou encore L’exorciste.

Mais si l’auteur reprend les tenants d’une narration conforme au genre, il fait preuve d’une originalité troublante. En plaçant son récit dans le milieu des cordistes, il développe le sentiment d’étrangeté face à un univers inconnu des lecteurs qui lui permet des rapprochements astucieux avec l’architecture médiévale, et donc l’Histoire et ses terreurs oubliées. Il renforce aussi l’angoisse et l’idée d’impuissance en impliquant des enfants, et leur mort affreuse dans son roman. L’éditeur précise que Robert Westall a subi le décès de son fils dans un accident de voiture et que cette tragédie a foncièrement changé sa façon d’écrire. Sans doute qu’il a tenté, à travers ses oeuvres, de faire son deuil en réveillant des forces impénétrables. Sans doute est-ce pour cette raison que Muncaster, en sublimant l’effroi, atteint une vraie profondeur.

Marianne Peyronnet