En ce début d’année 1882, à New York, tous ne sont pas promis au même avenir.

 

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Chez les Stallworth, il s’annonce radieux. Si leur réputation n’est plus à faire dans les milieux huppés, il ne leur manque qu’un plan leur permettant d’accroître leur fortune et leur renommée en déstabilisant le clan démocrate qui dirige la ville. Ce plan est simple : éradiquer le vice et la violence d’un quartier, le triangle noir, rempli de miséreux. Et quoi de mieux que de s’en prendre aux Shanks, longue lignée de criminelles notoires pour arriver à leurs fins ? Rien de plus simple quand on s’appelle James Stallworth, qu’on est un juge implacable, célèbre pour le nombre de bougres envoyés à la potence sous ses ordres. Vraiment ? C’est sans compter l’ingéniosité de Lena, matriarche des Shanks, receleuse de son état, et la colère qui l’anime. Son mari condamné à mort, ses enfants en danger, son commerce mis à mal, il n’en faut pas plus pour déclencher sa vengeance envers cette famille adverse et on verra bien qui gagnera le combat.

McDowell s’y entend pour déployer un récit ample, avec de multiples personnages tous finement observés et dresser le portrait d’une mégapole en proie à la violence tant la misère accable une partie de la population, forçant ces gueux aux exactions les plus terribles pour simplement survivre. En détaillant tour à tour les activités des membres de deux classes sociales complètement opposées, il nous plonge alternativement dans le luxe et la crasse sans jamais que la narration perde en intensité. D’un côté, le juge James, son fils Edward, pasteur intransigeant et son gendre, avocat aux dents longues, vivent dans le faste et défendent une certaine idée de la vertu. De l’autre, Lena et sa troupe de voleuses à la tire, prostituées, avorteuses, pourvoyeuses d’opium détroussent tout ce qui bouge, bref se débrouillent. Autour d’elles, le chaos s’étend. Les pauvres tombent comme des mouches de maladie, malnutrition, addictions diverses tandis que là-bas, dans les beaux quartiers, les gosses portent de la dentelle. Une fois le décor planté, dans ce roman où domine une atmosphère à la Dickens, l’auteur s’emploie à montrer les défauts et qualités de chacun des nombreux protagonistes, à les faire se rencontrer au gré des péripéties, à souligner à quel point les frontières entre les mondes sont poreuses. Bien sûr, les fumeries d’opium accueillent beaucoup de gens de la haute, de même que les bouges où il est drôle de parier son bel argent et où il est excitant de s’encanailler. Bien sûr, personne n’est épargné dans ces descriptions des tares les plus abjectes de l’âme humaine. Le lecteur peine à s’attacher à ces individus pervers et dangereux, même si le clan Stallworth l’emporte dans les grandes largeurs question ignominie. Il peine surtout à poser le roman. Impossible de lâcher l’aventure tant la tension grandit, tant la fresque est prenante et l’envie de connaître la fin insatiable.

Marianne Peyronnet