Le rougeoiement du soir dans l’ouest, ainsi est sous-titré le cinquième roman de Cormac Mc Carthy.

 

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L’analogie avec un tableau peint sous nos yeux est tentante, une œuvre de sang dont le pinceau possède une crosse et un barillet, où les personnages se dessinent peu à peu par imprégnation, poreux, à force d’absorber le sable et la poussière, de se dessécher sous un soleil armé lui aussi, et hargneux et méchant.

Dans ce “western métaphysique”, les différents personnages ne sont qu’esquissés, et c’est le paysage, si on peut encore parler de paysage pour décrire cet environnement invivable, aussi mortel qu’un flingue et plus abrasif qu’une ponçeuse, c’est ce décor qui, à force de cerner les personnages, de les abimer et les pousser dans leurs derniers retranchements, les révèle. C’est lui aussi probablement, qui les pousse à avancer sans cesse et ne rien laisser sur leur passage en repeignant de sang tout ce qui bouge encore sous le silence implacable de la désolation. Une géométrie du pire où les trois côtés du triangle sont effroyablement égaux.

Au milieu de ce chaos se dresse le juge, philosophe inoxydable, mauvais augure ou mystagogue barje, désastreuse calamité qui donne enfin un corps à la fatalité. Assisté de Glanton, son fidèle lieutenant, si froid qu’il semble sans âme et sans vie, animé seulement par un effarant principe de destruction, le juge guide sa troupe en jouant les prophètes de malheur, et il y a comme un pas de danse qui émerge en filigrane de cette progression chaloupée vers l’horreur.

Ainsi, Mc Carthy, en tournant sa valse lente au fil des pages, érige la noirceur en principe et arrive, à force de génie, à en faire une couleur, sans nous laisser la moindre lueur d’espoir.

Nous allons enfin pouvoir désespérer du genre humain tranquillement et sans honte.

Lionel Bussière