Qui a bien lu Jules Verne connaît sans doute l’île Julia, qui est au cœur des Mirifiques aventures de Maître Antifer, l’un de ses derniers romans.

 

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On sait moins qu’elle a bel et bien existé, de manière avérée, de juillet à décembre 1831, et fit alors l’objet d’une de ces embrouilles diplomatiques dont les orgueils nationaux ont le secret. Jaillie tel un diable de sa boîte à 40 km environ au large de la Sicile, cet îlot volcanique n’avait pas achevé sa formation que l’Angleterre le revendiquait déjà – sous le nom d’île Graham – en vertu du droit du premier occupant. C’était bien là de la perfide Albion ! Car il est infiniment peu probable qu’un représentant quelconque de sa Très Gracieuse Majesté ne soit jamais parvenu à franchir la terrible barre qui en défendait alors l’accès, et moins encore à poser le pied sur la roche encore brûlante. Les marins du Royaume des Deux Sicile auront à peine moins de culot, qui se contenteront de lancer une rame sur le rivage en guise de prise de possession de l’île, qu’ils nomment quant à eux Ferdinandea en l’honneur de leur souverain ! C’est donc bien à la France qu’il reviendra d’être la première à l’explorer pour de bon, en septembre et en la personne de l’enthousiaste géologue Constant Prévost, spécialement dépêché par l’Académie des sciences avec la bénédiction du roi Louis-Philippe. Les uns et les autres ne l’entendent évidemment pas de cette oreille et la poudre aurait pu parler si l’île, sans doute lassée de ce raffut, n’avait préféré replonger après seulement quelques mois d’existence…  Certes, objectera-t-on, elle est encore là, à une vingtaine de mètres sous la surface et pourrait bien remonter à tout moment, à la faveur de l’une ou l’autre activité sismique dont la région est coutumière. A qui appartiendra-t-elle alors ? Grave question, à laquelle il faut bien avouer que le droit international n’a pas de réponse sinon purement pataphysique, la nature essentiellement instable de l’île y interdisant de toute façon toute activité pérenne !

Aussi dérisoire que romanesque, l’épisode ne pouvait trouver meilleur historiographe qu’un Bruno Fuligni, archiviste inlassable des humaines prétentions, qui, délaissant souverains autoproclamés et députés farfelus pour un bloc de lave, n’en reste pas moins ébouriffant d’érudition légère, façon pierre ponce.

Yann Fastier